Violon Gimel

Un hybride laguiole-boule-stoïka "violon Gimel" qui présente des ressemblances avec le couteau présenté par Christian Fabry. Mais les ressemblances s'arrêtent à la forme, car, pour la qualité d'ensemble, c'est une autre affaire : mitres creuses en laiton, imitation écaille en corne transparente, tire-bouchon queue de cochon. Un petit détail cependant : les platines sont dorées à la feuille, ce qui donne un peu d'éclat aux cotes, la dorure se voyant par transparence.

Un chouette couteau pas courant en très bon état. Quelle est sa  taille et de quelle époque est-il à ton avis ?

Dater un couteau avec précision est toujours une aventure osée. Si on a un poinçon d'argent, ça facilite parfois les choses. Là, ça n'est pas le cas.
Alors on peut se retourner vers les catalogues anciens (qui ne sont pas datés eux-mêmes, la plupart du temps). Il nous reste : la marque et ses enregistrements, le nom de l'entreprise et le siège de l'entreprise figurant sur le catalogue.
Pas de chance, la marque "Violon GIMEL" a été déposée à plusieurs reprises entre 1891 et 1976 :  Pissice-Gimel, Pissice et surtout ROUSSELON entre 1904 et 1976 (avant d'être reprise par le pakistano-gersois, J-C Sensemat).
Les catalogues Rousselon que je peux consulter mettent plus en avant leur marque à succès 32 DUMAS et un tel couteau n'y figure pas.

Qu'est-ce qui me reste à te proposer ? Le style du couteau lui-même et le type de fabrication, peut-être, en cherchant notamment sur d'autres catalogues, des couteaux très semblables qui pourraient laisser penser qu'il s'agit d'une même fourniture. Là, je suis un peu plus riche.

Sur un catalogue de Sabatier Frères (Bellevue) on trouve des couteaux semblables, ainsi que sur le catalogue Bechon-Gorce.
Le catalogue de Sabatier-Frères n'est pas daté mais l'entreprise a existé sous ce nom de 1858 à la guerre de 14, environ.





Le catalogue Bechon-Gorce sur lequel figure un couteau identique est en fait celui du successeur, (Bayoud) qui dépose la marque Bechon-Gorce en 1911.
On peut donc se risquer à dire, avec prudence, que le couteau est de la fin du 19ème, début 20ème.





Tu vas me dire qu'y a pas besoin de tout ce baratin et qu'il suffit de le regarder. Quand on a un peu l'habitude, on peut à peu près le dater.
Mais il y a parfois des cas de figure un peu bizarres.
Le couteau ci-dessous, identique aux précédents, a l'aspect du neuf. Il a été monté avec de la fourniture très ancienne, il y a une vingtaine d'années. La fourniture avait largement plus de 50 ans mais doit-on dire que le couteau est neuf ou ancien ? A mon point de vue, pour un couteau qui n'a rien d'exceptionnel, ça n'a pas grande importance et je préfère avoir un couteau neuf-vieux  qu'une ruine d'époque. (Marque "Le lièvre" ; Soanen puis Cognet)

Des cousins.

Merci Michel pour ces précisions très argumentées, très précises et toujours documentées, ce que j'apprécie par dessus tout formation oblige !
Je pensais également qu'il s'agit d'un couteau datant d'avant la première guerre, mais je n'avais pas spécialement de certitudes. Je me rappelle de couteaux de ce type sur un vieux catalogue Soanen, le prédécesseur de Cognet. c'est en tout cas une très belle pièce, tout comme cet autre couteau que tu présentes.

La forme particulière du dos est due à la solution de facilité adoptée pour la conception du couteau pour lequel on a choisi un ressort droit sans s'emmerder avec une découpe de ressort compliquée, un montage et un ajustage eux aussi compliqués. On a posé le tire-bouchon sur un ressort droit et agrandi les platines pour que ça tienne ensemble, contrairement aux laguioles ou aux LE THIERS® sur lesquels on a modifié le ressort par rapport aux modèles sans tire-bouchons.

très intéressante analyse. Merci michel !